Tisser des liens solides
Le sourire de Sarah-Lou, 11 ans, est contagieux. Après un an de traitements, elle a repris l’école en mode progressif, à sa plus grande joie. « Les journées étaient très longues à la maison, je ne voyais à peu près personne, je ne sortais pas. Dès que j’ai remis les pieds à l’école, j’avais l’impression de redécouvrir les lieux, de renouer avec mes amis. Je ne croyais pas qu’un jour, j’espérerais à ce point retourner en classe. C’est incroyable ! »
Au printemps 2021, Sarah-Lou a reçu un diagnostic de leucémie aiguë lymphoblastique. Une grande fatigue et des douleurs au niveau des jambes, de la tête et du dos ont alerté ses parents. « Elle rentrait de l’école et elle s’allongeait sur le canapé pour faire une sieste, ce n’était pas du tout son genre, raconte sa mère Carine. Au début, on pensait que c’était le changement de rythme, l’adaptation au froid. Nous venions de vivre notre premier hiver au Québec. » La famille a quitté la France en juillet 2020 pour venir s’établir à Montréal.
Alors que la petite famille préparait avec enthousiasme une escapade à Tremblant, les plans ont changé du tout au tout. Une visite à l’urgence s’est transformée en une admission immédiate aux soins intensifs. « C’est violent. Au lieu du week-end prévu, Sarah-Lou s’est retrouvée sur un lit d’hôpital, avec des perfusions, sous monitoring, avec des fils partout ! »
Quand le médecin a annoncé le diagnostic, le cœur de Carine s’est fissuré. « Tout mon monde s’effondrait, c’était la panique totale. J’ai appelé mon mari, j’étais en pleurs. Je lui ai dit qu’il devait venir vite. J’ai respiré un bon coup et je suis allée retrouver Sarah-Lou dans la pièce à côté. J’étais incapable de lui dire, c’était trop violent. Pour elle, pour nous. C’est le médecin qui lui a expliqué. »
Vous n’êtes pas seuls !
Sarah-Lou garde un souvenir flou de cette annonce. « Je croyais que c’était une maladie comme une autre, que j’en guérirais rapidement. » Par contre, son passage aux soins intensifs l’a marquée à jamais, si bien qu’elle souhaite ne plus jamais y mettre les pieds. Son transfert à l’unité d’hémato-oncologie a été bienvenu ainsi que la découverte de Leucan. « Rapidement, Christelle, la conseillère, s’est présentée à nous avec le sac rouge. C’est comme si elle nous disait : vous n’êtes pas seuls, nous sommes là! C’était une agréable surprise et un grand soulagement. Enfin, on savait qu’on aurait du soutien. »
Arrivée au Québec en contexte de pandémie, la famille n’avait pas eu l’occasion de développer un nouveau réseau social. « Quand la leucémie s’est présentée, on s’est senti vraiment seuls. » Le contact avec Christelle est depuis régulier, à l’hôpital, par courriel et au téléphone. Leucan fait la différence. Par ses massages que Sarah-Lou apprécie particulièrement, par son programme d’alternatives capillaires aussi. Au besoin, la jeune fille porte un bonnet ou une perruque selon les occasions et son humeur. Le plus souvent désormais, elle se balade tête nue. « Je me suis habituée à mes cheveux courts. »
Sa mère appréhendait le choc. Elle avait emprunté un livre sur le sujet au Centre d’information Leucan pour franchir cette étape sans trop de heurts. Sarah-Lou avait de longs cheveux qu’elle refusait catégoriquement de couper. Quand elle a réalisé qu’ils tomberaient, elle a beaucoup pleuré. « On a lu le livre, on a discuté. Quand elle s’est sentie prête, elle a demandé à ce qu’on lui rase la tête. Elle m’a épatée, elle était super zen. Le chemin était fait dans sa tête. On a des photos où elle est souriante. »
Moral à plat et retour à l’école
Après un mois d’hospitalisation, Sarah-Lou est retournée à la maison où elle a pu revoir sa grande sœur Zoé. « Pour Zoé, ce n’était pas simple non plus, raconte sa mère. Elle ne pouvait pas venir à l’hôpital, et pendant l’hospitalisation, elle avait l’impression d’être en garde partagée. » Un récent week-end avec le groupe de soutien Cœur d’espoir de Leucan lui a fait le plus grand bien.
Le printemps dernier, Sarah-Lou a dû être hospitalisée pour une mucosite. Un nouveau confinement; son moral s’est nettement détérioré. Les médecins ont préconisé un retour hâtif à l’école. « Mes amis étaient tous super contents de me voir. Ils se sont inquiétés, mais ils ne m’ont pas traitée différemment. Notre classe, c’est vraiment bien. On s’entend tous les uns avec les autres. » Pendant sa longue absence, elle a reçu des dessins, une grande carte postale. L’enseignant a fait en sorte que le lien n’a jamais été rompu, se réjouit Carine.
Sonner la cloche
« Vivre la leucémie m’a forcément changée. Je ne suis plus la même personne », confie la jeune fille. Sa mère précise : « Malgré les moments difficiles, elle a toujours essayé de garder son sourire. Je pense qu’elle découvre, sans s’en rendre compte, une force insoupçonnée qu’elle a en elle. »
Toute la famille restera marquée. « La dynamique familiale a changé. Personnellement, je suis plus à profiter et savourer les bons moments. Il y a des choses qui ont basculé, j’aspire à autre chose. » Elle se tourne vers sa fille : « On est dans un élan positif et je souhaite que ça se poursuive jusqu’en septembre 2023 et qu’à ce moment, tu sonnes la cloche à la casser ! On leur en offrira une autre. » Sarah-Lou acquiesce et sourit.